samedi 11 mai 2013

Alaya Dawn Johnson, Le Prince d'Eté


Alaya Dawn Johnson
Le Prince d'Eté 


    Résumé : Sur la côte de ce que l'on appelait jadis le Brésil, ce sont les femmes qui dirigent la légendaire ville-pyramide de Palmares Três. La Reine ne cède le pouvoir à un homme qu'une fois tous les cinq ans, à un Roi d'été dont l'histoire enfiévrera la cité l'espace d'une année.
    Pour June Costa, la vie n'est qu'Art. Ses œuvres impressionnent ses professeurs autant que ses camarades. Elle rêve de remporter le prestigieux Trophée de la Reine. Un rêve qu'elle n'avait jamais remis en question... jusqu'à ce qu'elle rencontre Enki.
    Fraîchement élu Roi d'été, Enki est le garçon dont tout le monde parle. Mais lorsque June le regarde, elle voit bien au-delà de ses fascinants yeux d'ambre et de sa samba ravageuse : elle reconnaît en lui un artiste total. Follement amoureuse, June décide alors de créer avec lui un chef-d’œuvre qui restera gravé à jamais dans les mémoires.
    Mais le temps leur est compté. Car, comme tous les Rois d'été qui l'ont précédé, Enki va devoir être sacrifié.



Ce que j'en pense

    Voilà le moment tant redouté : exprimer mon opinion sur ce livre en un petit article. Tout au long de ma lecture, je me suis interrogée sur ce roman, en particulier sur son genre. Est-ce une dystopie ? Une utopie ? Honnêtement, je ne sais pas si on peut le ranger dans l'une ou l'autre catégorie. Comme dans n'importe quelle politique, il y a des failles. On n'est ni dans la société parfaite, ni dans un univers cauchemardesque. En fait, même s'il y a corruption, hypocrisie, royauté, il y a aussi amour de la ville, manifestations, liberté d'expression... etc. Donc je pense qu'on se trouve très loin de la dystopie. En fait, je pense plutôt que c'est un roman d'anticipation, un roman futuriste, qui ne cherche pas spécialement à voguer sur la mode "dystopique" du moment. 
    Sinon, pour résumer globalement Le Prince d'Eté à ma façon, on suit June, une jeune femme d'environ dix-sept ans pour qui l'Art représente absolument tout. Avec elle, on a son meilleur ami, Gil, qui exprime son art par le biais de son corps en dansant. Tous deux souhaitent qu'Enki remporte les élections pour devenir leur nouveau roi, sans se soucier plus que cela du sort qui l'attendra un an plus tard : la mort. Ce moment leur semble tellement lointain qu'on se demande s'ils se rendent réellement compte qu'ils condamnent leur favoris. Quoiqu'il en soit, sans grande surprise, Enki gagne et devient le nouveau Roi d'été. Le soir de sa victoire, June et Gil sont invités à la soirée VIP qui se déroule en l'honneur d'Enki et l'histoire commence à ce moment-là.
    Le monde qu'on explore est extrêmement bien ficelé. Tout semble particulièrement crédible, et les mots en italiques, même s'ils peuvent dérouter au début, ne font qu'accentuer l'effet de réel du roman. Cette société est futuriste, elle possède son propre langage. La technologie, ainsi que les sciences, ont tellement évoluées que la population peut facilement vivre jusqu'à 250 ans. Du coup, les plus jeunes sont nommés les wakas, et les plus âgés, les grandes. Même le système politique décrit dans ce roman ne semble pas choquant : les femmes dirigent la ville, elles prennent toutes les décisions, c'est le féminisme à son apogée d'une certaine façon. Cependant, même si ce système semble avoir un impact plutôt positif, il n'en demeure pas moins aussi tordu que tout système. Il ne peut pas satisfaire tout le monde, il y a toujours des gens "oubliés" ou "sacrifiés", comme on peut le constater avec les habitants du bas de la pyramide, le verde, d'où vient Enki. Quelque part, le combat sera mené pour cette minorité, comme on se bat toujours pour la minorité qui a le moins de droits, jusqu'à ce qu'elle prenne le dessus et fasse à son tour une minorité qui se battra aussi... Et ainsi de suite. Parce que c'est l'histoire et que l'Histoire est cyclique
    Je ne vais pas entrer plus dans les détails, je vous conseille de lire le livre pour vous en faire votre propre idée. Dans l'ensemble, je pense que vous avez compris où je voulais en venir.
Alaya Dawn Johnson
    Maintenant, pour ce qui est des personnages, ils sont assez froids mais sont aussi extrêmement touchants. On dirait que l'auteur a si bien créé son univers que ses héros ont le comportement et le caractère que la société a façonnés pour eux. Ils sont transgressifs, libres. La liberté d'expression leur permet d'être libres, mais parfois, cette même liberté d'expression représente la chaîne invisible qui nous donne l'illusion qu'en ayant le pouvoir des mots, on a le pouvoir de tout. Or, c'est faux. Ce n'est pas parce qu'on peut parler qu'on agit obligatoirement (c'est l'un des combats dans Lorenzaccio de mon cher Musset). Quoiqu'il en soit, les personnages parlent beaucoup au début, ils créent énormément, ce n'est qu'avec le temps qu'ils agissent. A mes yeux, que ce soit Enki, June ou Gil, ils sont magnifiques et grands ! June m'a impressionnée, sa froideur n'est qu'une carapace, tout comme son arrogance. Aucun des personnages ne rejettent sa sensibilité, les larmes sont une belle forme d'expression et d'art. Quant à l'amour ! J'ai adoré la perception de l'amour dans ce roman. L'homosexualité est traitée comme l'égal évident de l'hétérosexualité. L'auteur nous montre deux femmes mariées comme deux hommes amoureux de la même manière qu'un homme et une femme. Et ça, ça ne peut pas faire de mal à la littérature, ni aux lecteurs ! C'est en partie pour cela que je ne peux pas classer Le Prince d'Eté dans la dystopie. Il y a beaucoup de progressions positives qui sont mises en avant, et ça, ça ne peut pas être le fait d'une société cauchemardesque, faite pour écraser les citoyens. Au contraire, même le système monarchique mis en place fonctionne avec un équivalent de "gouvernement" et de "mandats". La Reine perd son pouvoir, parce que le Roi d'Eté sacrifié désigne la future reine et que sa mort empêche de contester son choix. 
    Bref, cet univers est magnifiquement bien ficelé (je me répète). Les personnages sont grandioses. J'ai adoré les relations qu'entretiennent Enki, June et Gil. Ce n'est pas un trio amoureux jaloux, c'est vraiment un trio. Gil aime June autant qu'il est amoureux d'Enki, et ce-dernier est aussi fou de Gil qu'il l'est de June. Et de tout le monde. C'est une belle leçon d'amour qu'on a dans ce roman. S'ils s'aiment tous les uns des autres, ils ne partagent pas non plus la même manière d'aimer. Et l'Art est aussi un personnage central, fruit de l'amour et de la liberté, de la même façon que la Ville de Palmares Três. Elle possède sa propre âme, en étant le point commun de tous les habitants.

    Pour conclure, je voudrais en dire bien plus, mais je ne peux pas, c'est vraiment à vous d'aller découvrir ce roman, d'en tirer votre propre vision. C'est un roman qui appartient à tout le monde et qui pose tellement de questions sur notre société, nos philosophies, notre usage de l'art, notre façon d'aimer, de nous révolter... etc. qu'une seule personne ne peut pas résumer à elle seule un avis parfait. Heureusement que la blogosphère existe, pour que chacun puisse s'exprimer sur Le Prince d'Eté, que ce soit positivement ou négativement. Ce roman, c'est de l'Art. Il faut s'accrocher, s'habituer à l'absence de chapitres, mais si vous entrez dedans, vous n'en ressortirez pas indemnes (mes paquets de mouchoir peuvent témoigner).

    Pour d'autres infos sur le livre :
  • C'est la chronique d'Anne-C qui m'a convaincue de lire ce roman. Merci encore pour la découverte =D
  • L'excellente traduction VF est le fait de Paola Appelius (parce qu'on oublie trop souvent de féliciter les traducteurs !).
  • Le roman fait 431 pages, la présentation est magnifique et le tout est publié chez Robert Laffont dans la Collection R.

9 commentaires:

  1. Je vois beaucoup d'avis mitigés sur ce roman et malgré ta critique positive je ne me sens vraiment pas attiré par l'univers >< On ne peut pas tout avoir envie de lire non plus tu me diras xD Heureusement ! Mais c'est chouette que tu aies aimé en tout cas n_n

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    1. Je comprends ton point de vue ^^ c'est vrai qu'il y a beaucoup d'avis mitigés sur Le Prince d'Eté =) donc c'est pas grave si tu ne veux pas le découvrir maintenant, le livre saura t'attendre si tu le veux un jour ! (c'est ce qui est cool avec les livres, ils sont patients xD).

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  2. Je suis vraiment contente que tu ais autant aimé !!! Je suis d'accord avec toi pour pleins de points de ta chronique ! :)

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    1. J'ai totalement adhéré ^^ quelques passages m'ont parfois dérangée, mais dans l'ensemble, c'était une excellente lecture. Encore merci :D

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  3. Peut-être que je te piquerai ce livre, tiens ^^ ça a l'air assez sympa, toute la réflexion autour de l'art peut être intéressante, l'univers construit a une structure inattendue, et la sorte de trio d'amour total dont tu parles me semble assez intrigant. Je pense aussi qu'on peut le classer comme roman futuriste, à certains égards dystopique mais pas non plus totalement car effectivement on ne peut pas considérer l'égalité homosexualité / hétérosexualité ni le pouvoir des femmes comme quelque chose de dégénéré ou de lamentable. Même si dans ce cas, le pouvoir de femmes a l'air d'aller un peu trop loin (ne donner le pouvoir aux hommes que pour les sacrifier, heureusement que c'est une femme qui a écrit le bouquin car si ç'avait été un homme, je l'aurais pris pour un phallocrate qui souhaite montrer le danger imminent quand les femmes sont au pouvoir).

    Aucun rapport : je t'avais laissé un gros commentaire sur l'article sur l'expo, tu ne l'as pas encore validé ? 0.0 il ne s'affiche pas, j'espère qu'il est passé ><

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    1. Je te l'apporte quand tu veux !
      J'aimerais bien connaître ton avis sur ce roman ! Je ne sais pas s'il est si profond que ce que j'en dis (tu sais que je suis une lectrice positive XD), mais je le trouve vraiment singulier.
      J'adore ce que tu dis sur THE interrogation : dystopie ? utopie ? ni l'un ni l'autre. Mais les gens le classent souvent en dystopie, je l'ai même commencé en croyant ça (surtout quand tu vois dans le résumé que le roi doit mourir) puis, plus j'avançais, plus je comprenais le système, et il ne me révoltait pas comme une dystopie doit le faire xD Bref, comme tu dis, heureusement que ce n'est pas un homme qui a écrit ça, ça aurait pu être mal interprété !
      Quoiqu'il en soit, ce livre me donne envie d'envoyer un message à l'auteur =O

      Ca y est, j'ai validé et répondu à ton commentaire ;D

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  4. =) Ta chronique me donne vraiment envie de découvrir ce livre. D'autant plus que la couverture est superbe <3

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    1. Je suis contente si ma chronique te donne envie :D
      (et oui, la couverture est magnifique)
      Dis-moi si tu le tentes :D

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  5. OMG ! Ce livre est une pure bombe. Non .. Ce livre est bien plus que ça. Tout en finesse, l'auteur arrive à balayer nos préjugés, à revoir nos idéaux. J'ai adoréééééééé !

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