William Bouguereau, Dante et Virgile aux Enfers, 1850 |
Vendredi, j'ai eu l'honneur, le plaisir, la chance de foncer directement au Musée d'Orsay en sortant des cours pour aller admirer la nouvelle exposition temporaire sur L'Ange du bizarre : le romantisme noir, de Goya à Max Ernst. Et que dire si ce n'est que j'y retourne bientôt. Le lundi de la rentrée, c'est certain ! J'ai rarement été aussi séduite par une exposition de toute ma vie, en même temps, tous les ingrédients pour me plaire étaient là : que ce soit le sujet du romantisme noir où on nous parle de Satan, des sorcières, de sadisme aussi, du romantisme allemand... etc. ; mais aussi des peintres que j'affectionne particulièrement comme Friedrich et Gustave Moreau ; plus tous les coups de coeur intenses que j'ai ressenti devant un autre Friedrich (comme par hasard) mais du nom de Lessing cette fois-ci, mon amie qui était avec moi m'a aussi fait apprécier Munch (dont je n'avais jamais vu de tableau en "vrai"), j'ai craqué sur Füssli, et tant d'autres ! Seule les parties "fin du XIXème" et XXème siècle ne m'ont pas totalement séduite, mais je leur redonnerai une chance d'ici dix jours, surtout à la dernière salle consacrée au surréalisme ! D'ordinaire, c'est un courant que je "rejette" parce que je n'y suis pas très sensible, mais les tableaux de Max Ernst ont réveillé ma curiosité !
J'ai des difficultés pour trouver mes mots parce que ma visite est encore très récente et je suis toujours sous le coup de l'émotion, mais je vais essayer d'expliquer la façon dont j'ai vécu ce moment avec le moins plus de clarté possible.
Déjà, mon premier contact a été avec la gratuité de l'exposition ! Oui, oui, une exposition temporaire gratuite pour les moins de 26 ans, j'ai halluciné ! D'ordinaire, on est obligé de payer, mais là, c'était comme accéder au musée : gratuit. Donc ça devrait faciliter mon désir d'y retourner rapidement et ce, plusieurs fois avant le mois de juin. Mais bon, passons, même si c'est événementiel aussi (et démentielle) de ne pas payer.
Déjà, mon premier contact a été avec la gratuité de l'exposition ! Oui, oui, une exposition temporaire gratuite pour les moins de 26 ans, j'ai halluciné ! D'ordinaire, on est obligé de payer, mais là, c'était comme accéder au musée : gratuit. Donc ça devrait faciliter mon désir d'y retourner rapidement et ce, plusieurs fois avant le mois de juin. Mais bon, passons, même si c'est événementiel aussi (et démentielle) de ne pas payer.
Johann Heinrich Füssli, Satan évoquant Belzébuth, 1802 |
Pour entrer dans le vif du sujet, on arrive dans l'expo, non pas face à du Goya comme pourrait faire croire le slogan mais face à... du Füssli et au Pandémonium de John Martin qui a quitté son Louvre chéri pour l'occasion afin d'accueillir comme il se doit les visiteurs de l'Ange du bizarre ! Ca nous fait tout de suite entrer dans l'ambiance : capital des Enfers, tout ça tout ça. Mais on découvre aussi d'emblée les tableaux de Johann Heinrich Füssli avec Satan s'échappant sous le coup de lance d'Ithuriel. Quiconque me connaissant un minimum sait que je suis hostile à la religion, sauf... (parce qu'il en faut bien un) ...lorsqu'on explore la mythologie qui l'accompagne et particulièrement celle qui est liée aux anges et aux démons. Satan est une figure qui m'a toujours fascinée, fut une époque jadis dans l'éternel, où j'achetais beaucoup de livres "sataniques" pour découvrir plus de choses à ce sujet. Si j'admirais Baudelaire quand j'avais quatorze ans, ce n'était pas sans raison, "Les Litanies de Satan" m'ont influencée et comme j'étais - ce que l'on nomme avec maladresse - gothique, et bien... C'est resté encré en moi. J'ai, d'une certaine façon, était façonnée par mon amour pour Lucifer. J'écrivais des poèmes quand j'étais morveuse, de très mauvais poèmes, mais toujours sur l'ange déchu, et encore aujourd'hui, il m'arrive d'évoquer sa chute... ou son règne, comme vous préférez. Donc, évidement, quand en entrant dans l'exposition, mon amie m'a sortie cette citation : "Better to reign in Hell, than to serve in Heaven" du Paradis Perdu de John Milton, un sourire niais m'a défigurée le visage quelques instants avant que je ne sombre dans mes pensées et que le livre ne s'ajoute à mes objectifs littéraires futurs. (merci Camille).
Bref, après cette introduction où des tableaux d'Apocalypse se mêlaient à ceux de la folie, un endroit spécial était réservé à William Bouguereau et son Dante et Virgile aux Enfers (1850). Je ne connaissais ce peintre que par sa Naissance de Vénus, mais désormais, je me rends compte que ce n'est pas son seul tableau qui peut me toucher à ce point. Sur le Dante et Virgile, j'ai beaucoup apprécié les couleurs, le gris - presque scintillant - de la peau se détachant des autres plans de la peinture, notamment des deux poètes qui, finalement, restent cachés dans l'obscurité et observent le combat, le cannibalisme (→ comme c'est charmant, j'adore!). Et puis, la musculature des deux personnages est représentée à outrance, il y a une grande sauvagerie - je trouve - qui se dégage de ce tableau et séduit. Elle séduit parce qu'elle est effrayante et qu'on est toujours fasciné par ce qui nous terrorise. C'est malsain, mais c'est comme ça. Et les détails qui m'ont le plus faite écarquiller les yeux, ce sont les mains s'enfonçant dans les chairs. Je ne sais pas si je vais dire une bêtise ou non, mais il y a quelque chose de l'ordre de la tension sexuelle dans ce tableau, et on dirait que par l'acte de cannibalisme (acte toujours ambiguë par son fait même), il y a un désir inavouable et une passion tordue, à l'image des muscles et des corps. En somme, ce tableau de William Bouguereau me dévore (sans faire de blagues stupides, hein).
William Blake, Le Grand Dragon rouge et la Femme vêtue de soleil, vers 1802-1805 |
Par la suite, on ne quitte toujours pas Satan mais on découvre les créatures des ténèbres, notamment par une aquarelle (et pas que) de William Blake qui a ravie ma collègue de l'Ange du bizarre à côté de moi. Il y avait aussi beaucoup de dessins de Victor Hugo et une représentation assez grotesque de Méphistophélès par Delacroix (si mes souvenirs sont bons !). Comme tout est mélangé dans ma tête, je ne saurai pas vraiment en parler, je confonds un peu toutes les salles et ce n'est pas facile à restituer comme il faut, surtout les explications qui accompagnent les œuvres.
Puis, au fur et à mesure, on quitte cette ambiance-ci et on arrive aux tableaux de Goya. Peut-être que je vais blasphémer la peinture, mais je n'ai pas vraiment accroché à ce qu'il faisait. Les tableaux sur le cannibalisme ont attisé ma curiosité, mais sinon, je n'étais pas très sensible à ses œuvres. Peut-être le serai-je plus la semaine prochaine quand j'y retournerai ? Mais même là, en essayant de me remémorer mes souvenirs en feuilletant mes magazines, je n'arrive pas à être transportée par les tableaux de Goya. Pourtant, il y a beaucoup d'éléments chez Füssli qui se retrouvent chez lui (ça a sauté aux yeux de mon amie vendredi), mais la manière de peindre est différente, je suppose, et quelque chose me manquait.
Je vais stopper la première partie de cette article ici. Je n'ai pas fini de parler du romantisme et ne suis pas encore arrivée aux symbolistes et aux surréalistes, mais je préfère diviser cet article en plusieurs parties. La prochaine fois, je parlerai de Friedrich, de Lessing, de Moreau, de Munch... etc. Comme il me reste beaucoup de blabla à faire, ce sera plus agréable à écrire un autre jour, avec plus de recul (une grande partie de ce billet a été rédigé vendredi soir, quelques heures après ma visite).
Je précise aussi que le compte-rendu ci-dessus n'est absolument pas complet, il manque des millions de choses et ce que je dis est très subjectif. Ce qui ne me touche pas peut très bien séduire quelqu'un d'autre et inversement. J'espère juste que j'inciterai les gens à aller visiter cette exposition qui est, de loin, la plus belle que j'ai pu voir (et ce blog sait à quel point l'exposition sur De Vinci l'an dernier, au Louvre, m'a plu).
Puis, au fur et à mesure, on quitte cette ambiance-ci et on arrive aux tableaux de Goya. Peut-être que je vais blasphémer la peinture, mais je n'ai pas vraiment accroché à ce qu'il faisait. Les tableaux sur le cannibalisme ont attisé ma curiosité, mais sinon, je n'étais pas très sensible à ses œuvres. Peut-être le serai-je plus la semaine prochaine quand j'y retournerai ? Mais même là, en essayant de me remémorer mes souvenirs en feuilletant mes magazines, je n'arrive pas à être transportée par les tableaux de Goya. Pourtant, il y a beaucoup d'éléments chez Füssli qui se retrouvent chez lui (ça a sauté aux yeux de mon amie vendredi), mais la manière de peindre est différente, je suppose, et quelque chose me manquait.
Je vais stopper la première partie de cette article ici. Je n'ai pas fini de parler du romantisme et ne suis pas encore arrivée aux symbolistes et aux surréalistes, mais je préfère diviser cet article en plusieurs parties. La prochaine fois, je parlerai de Friedrich, de Lessing, de Moreau, de Munch... etc. Comme il me reste beaucoup de blabla à faire, ce sera plus agréable à écrire un autre jour, avec plus de recul (une grande partie de ce billet a été rédigé vendredi soir, quelques heures après ma visite).
Je précise aussi que le compte-rendu ci-dessus n'est absolument pas complet, il manque des millions de choses et ce que je dis est très subjectif. Ce qui ne me touche pas peut très bien séduire quelqu'un d'autre et inversement. J'espère juste que j'inciterai les gens à aller visiter cette exposition qui est, de loin, la plus belle que j'ai pu voir (et ce blog sait à quel point l'exposition sur De Vinci l'an dernier, au Louvre, m'a plu).
Un tableau qui m'a tapé dans l'oeil tel un cyclone percutant les terres :
→ Samuel Colman, Veille d'Apocalypse, 1836-1838 : Ce tableau, placé dans l'exposition non loin du Pandémonium, a été une réelle surprise pour moi (et pour mon amie, aussi, je crois, non ? Si tu passes par ici, answer me, pretty girl !). Ce que je vais dire, je le dis sans aucune connaissance, donc, soyez gentils avec moi, petits fantômes. J'ai eu le sentiment que ce tableau était réalisé sur une structure inverse à l'ordinaire : en principe, les lignes sont en triangle avec une pointe allant vers le haut, or, ici, j'ai le sentiment que c'est l'inverse qui se produit, les lignes du tableau tirent vers le bas, orientent le regard non pas vers la lumière mais vers la catastrophe. De plus, quand on est face au tableau, on peut voir qu'une lyre et un tableau s'écroulent avec les architectures venues de différentes époques. Cette Veille d'Apocalypse semble nous dire que tout est vain, que tout ce que l'homme créé, et bien, ce sera détruit tôt ou tard et d'une certaine façon, que nous ne sommes que de passage ici et que le monde reprendra ce qui lui appartient en nous détruisant dans ce que nous avons de plus humain : l'Art, qu'il soit du verbe ou de l'image. Ce tableau exprime la violence de la nature et à une époque où nous nous soucions de la terre autant que nous l'insultons, je trouve que c'est assez parlant. Je ne parle pas exactement d'écologie, mais si vous pensez à quel point des gens ont eu peur pour le 21 décembre dernier, vous comprendrez ce que je sous-entends.
Oh je VEUX y aller :D Je me demande si je vais avoir le temps en juin (et si l'expo sera toujours là) pour aller la voir avant de prendre l'eurostar avec Jamestine.
RépondreSupprimerTon article est évidemment très intéressant et je suis curieuse de lire la suite.
Très bel article !
RépondreSupprimer(Et j'apprécie les références à ma personne, huhuhu)
Par contre la citation exacte de Milton c'est "Better to reign in Hell than serve in Heaven" (tu as mis un "to" en trop, c'est pas catastrophique mais ça casse le rythme iambique du vers ^^)
Bref, c'est un joli compendium que tu as fait là pour la première partie de ton compte-rendu... (à quand la deuxième ?). Belle sélection de tableaux, j'imagine que tu as gardé ton chéri Friedrich pour le deuxième article, qui promet.
Oui, le Mépistophélès de Delacroix était tout à fait grotesque =)
Et tu as tout à fait raison pour le triangle inversé, d'ailleurs ne serait-ce qu'à partir des deux piliers enfoncés dans l'abîme au premier plan tout en bas, on peut voir qu'ils lancent une série de faisceaux, et comme par hasard si on prolonge le pilier de droite, la ligne arrive en pile haut de la sorte de temple grec (?) sur la droite.
C'est un copié/collé en plus la citation T_____T je voulais pas qu'il y ait de faute dedans, du coup j'ai recherché cette phrase sur internet...
SupprimerLa deuxième partie arrivera avec une deuxième visite de l'expo =p je veux retourner voir mon Friedrich ! *_* (je crois que je l'aime encore plus Moreau désormais...).
Très bonne déduction Sherlock ! Ce tableau soulève plein de questions, faudrait qu'on retourne le voir avec nos idées puis qu'on cherche sur Internet des gens qui l'ont interprété pour voir ce que ça donne. Là, le rendu n'est pas aussi bon que quand le tableau est sous nos yeux.. =/
Très bel article en effet, et son caractère "subjectif" ne gâche rien. J'ai vu l'exposition vendredi dernier et je suis tout à fait d'accord quant aux surréalistes (même si j'aime beaucoup l'oeuvre de Max Ernst), la façon dont ils se sont appropriés (réappropriés) le romantisme noir, et bien, je trouve que quelque chose s'est perdu,une sorte de résonance, de profondeur.. bref,lorsque j'y retournerai je traverserai la salle en courant et en bousculant tous les malheureux visiteurs sur mon passage.
RépondreSupprimermais,;) c'est purement personnel comme avis
Merci beaucoup :)
SupprimerJe suis contente que mon article plaise, comme je n'y connais pas grand chose, j'essaie de faire attention à ce que je dis ^^
C'est vrai que le surréalisme m'a aussi donné cette impression de perte, ou peut-être que c'est trop subtile pour le visiteur sans prétention =/ je ne sais pas ! Mais à côté de ce qu'on voit avant, il y a un contraste qui est assez déroutant... Ca m'a fait la même chose en visitant l'exposition sur la peinture allemande au Louvre. La dernière partie m'a moins séduite que le début. Peut-être parce que le XXème siècle est encore trop proche de nous ?
J'aurai tellement aimé allée à cette exposition ! J'ai pu aller au musée d'Orsay et du Louvre pendant ma vie à Paris malheureusement j'ai déménagé et les musées chez moi se font plus rares (surtout que je ne suis pas fan de notre époque actuelle concernant ce qui se produit de mieux en art, je favorise les peintres classiques comme Bouguereau ou Delacroix ou Fussli justement ;)). Pour le dernier tableau, je ne pense que le sujet visait l'écologie mais plutôt comme tous les tableaux de cette époque un thème religieux. C'est sûr qu'il faut un sacré coup de crayon pour réussir à peindre ce genre de scènes et donner de l'émotion par ses coups de maître !
RépondreSupprimerL'art d'aujourd'hui est assez particulier ^^ j'ai tendance à penser pareil que toi. Je préfère largement voir des tableaux des siècles précédents que d'aller voir des choses abstraites avec des significations tellement perchées qu'elles en deviennent ridicules... Cela dit, je suis sûre que si on creuse un peu, il y a de belles choses à découvrir. L'exposition Masculin/Masculin à Orsay (l'an dernier), mêlait à la fois le "clasique" et le moderne, c'était très intéressant. On voyait des tableaux des années 2000 qui n'avaient pas à rougir à côté du XIXe siècle :)
SupprimerPour le dernier tableau, oui, je pense aussi qu'il était religieux ^^ cela dit, à cette époque là, les artistes avaient déjà conscience de l'immensité de la nature face à la petitesse de l'homme et son caractère éphémère. Par exemple, certains poèmes de Hugo ou Nerval (j'ai un doute pour ce-dernier) parlent des ruines et du fait que l'homme n'est rien face à la nature, qu'il est amené à disparaître et à être oublié.